But it is the nature of stars to cross. (Lucila)

And never was Shakespeare more wrong than when he had Cassius note,
« The fault, dear Brutus, is not in our stars/But in ourselves »

Cela fait à peine une semaine qu'elle a commencé son nouveau travail à la mairie, mais déjà Mila pense pouvoir dire qu'il lui plait plutôt bien. Certes, elle a toujours rêvé d'être professeure et elle avait trouvé le travail qui lui conviendrait le mieux en alliant ça avec sa passion pour l'histoire. Mais elle a récemment appris que dans la vie, on n'a pas toujours tout ce qu'on veut. Et au moins, en travaillant au service Parcs & Rec, elle peut toujours être au contact des enfants. Et ça, c'est un plus non négligeable. En outre, elle se retrouve dans une équipe, avec une patronne un peu folle dans le sens bien du terme et efficace. Elle ne passe pas ses journées à se tourner les pouces en attendant que ça se passe. Et elle se sent utile. Alors même si ce n'est pas ce qu'elle avait originellement prévu, on peut dire que tout se passe bien.

Enfin, pour elle.

Son père ne s'est toujours pas remis de la mort de sa femme. Noël ne s'est pas si bien passé que ça, puisqu'elle l'a passé seule en sa compagnie peu joyeuse. Le Nouvel An aurait pu être le même si elle n'était pas retournée à Brisbane pour récupérer toutes ses affaires et dire au revoir à ses amis. L'année prochaine, peut-être qu'elle reviendra. Pour l'instant, elle ne peut pas. Elle ne peut pas laisser son père seul.

Son côté optimiste lui rappelle de prendre la vie du bon côté. C'est juste une pause dans ses études, le temps que ça aille mieux. Et être à Tacostown lui permet de retrouver les amis qu'elle a laissé derrière elle, et les coins qu'elle avait l'habitude de fréquenter. Et c'est pour concilier ces deux derniers points qu'elle a décidé d'utiliser son après-midi de congé pour se rendre dans la boutique de glace que tient la tante de Lucas, son ancien voisin.

Parce que même si elle aurait souhaité, elle n'a pas gardé contact avec lui. En même temps, elle n'aurait pas dû s'attendre à mieux en ne discutant avec lui que les étés, et ce depuis le début des années lycées. Et après, il a décidé qu'il était trop grand pour habiter encore chez ses parents. Alors c'est avec un peu de regret et beaucoup de tristesse que Mila n'a plus de nouvelles de Lucas, et qu'elle n'a même pas eu l'occasion de le croiser depuis son retour dans sa ville natale. En se rendant à la boutique de glace, elle avait de grandes chances de tomber sur lui. Ou au moins sa tante qui pourrait lui dire où se trouve le bouclé géant. Et après... Après elle ne sait pas.

D'ailleurs, maintenant aussi elle ne sait pas. Elle vient de passer la porte de la boutique, quelque peu fréquentée par des jeunes puisque c'est encore les vacances et qu'il fait chaud. Et comme elle a décidé qu'elle cessait de réfléchir et qu'elle agissait enfin, elle n'attend pas plus longtemps pour se joindre à la ligne de clients qui attendent d'être servis. D'accord, elle exagère. A vrai dire, il n'y a qu'une personne. Et elle est en train de parler à... Lucas. A la vue du garçon, son coeur loupe plusieurs battements et ses joues prennent une jolie teinte rosée, et Mila a besoin de plusieurs respirations pour se convaincre de ne pas partir en courant. Plusieurs respirations, et l'idée d'une coupelle de glace à la vanille accompagnée d'un muffin.

Lorsque son tour vient, elle s'approche du comptoir avec un mince sourire sur les lèvres. « Salut... » Elle bafouille en guise de bonjour. Elle essaie de ne pas trop le fixer, mais il faut dire que c'est assez compliqué. Parce que Lucas, il est toujours aussi grand. Et il est encore plus beau aujourd'hui que l'adolescence a fini son travail. Et qu'il a coupé ses cheveux, aussi et... Conclusion ? Diantre ! Voilà. C'est dit. Et avant qu'un silence trop étrange ne s'installe, elle enchaine : « Je vais prendre de la glace à la vanille, et... »

Et elle est interrompue par l'arrivée de Jane, la tante de Lucas, qui sort de l'arrière boutique et n'a pas besoin de réfléchir pour reconnaître Mila qu'elle salue avec un immense sourire et un non moins grand bonjour. Le sourire de la jeune femme se fait un peu plus étendu, et elle se sent un peu plus à l'aise également, rassurée d'être reconnue. Parce que partir trois ans aurait suffit pour qu'on l'oublie, oui ! « Lucas, tu peux prendre ta pause si tu veux ! Je peux gérer toute seule un moment. » Fait Jane à son neveu d'une voix douce. Mila reste silencieuse et observe son ancien voisin, redoutant de savoir s'il veut et s'il va la prendre. Après tout, il pourrait se contenter de la servir et de lui souhaiter une bonne journée. Ce serait son droit, et elle n'aurait rien à dire pour que ce soit différemment. Elle aurait juste sa glace à la vanille et son muffin pour se consoler.

Ce qui est, en soit, déjà pas mal.

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LUCILA

Les gestes sont devenus mécaniques avec les semaines. Les glaces à l'italienne, ou les boules de glaces. Vérifier les températures des frigos, remplir les dossiers pour les contrôles d'hygiène, essuyer les table, sourire aux clients, leur proposer à boire. Les journées s'enchaînaient sans trop de difficultés, et travailler avec sa tante lui plaisait. Et Lucas apprenait vite, alors chaque jour était un peu plus simple que la veille. Ce matin, c'était la course. Son réveil n'avait pas sonné, et le jeune home a émergé à huit heures, heur à laquelle il doit ouvrir la boutique. Il a sauté dans son pantalon, enfilé un T-shirt – à manches longues - offert par sa mère quelques jours plus tôt, qui clamait « I'm from Tacos Town, so what ? » et couru au magasin. La chaleur était déjà étouffante, si tôt dans la matinée, et le reste de la journée promettait d'être long. Remonter le rideau, tourner la clé dans la serrure, sauter par-dessus le comptoir et enfiler le tablier bleu, seul uniforme imposé par Tante Jane. Lucas pose ses deux mains à plat sur les interrupteurs, ce qui allume les lumières. Il remet les bacs à glaces dans le présentoir, et allume les machines pour les glaces sous pression. Il pose ses mains à plat sur le comptoir, et sourit, fier de lui. Mais il était huit heures passé de vingt minutes, et les premiers clients, ceux qui venaient tous les matins, n'arrivaient jamais avant neuf heures. Après un léger soupir, le jeune homme se servit un thé, et ouvrit un livre, assis sur un tabouret de bar.
La journée est loin d'être finie. Le livre ouvert, juste devant la caisse, lui permet de lire une ligne ou deux entre chaque client. Ils se succèdent. Passé treize heures, les écoliers, et autres étudiants venaient se détendre après un repas, le plus souvent en famille, en cette fin de vacances, et c'était un peu la course pour le vendeur. Deux vanilles, trois chocolat, une de chaque dans deux bols, un cône. Lucas tient le rythme, avale de temps à autre une gorgée d'eau. Enfin un peu de calme. Au bout d'une heure ou deux, les clients sont moins nombreux, et Lucas respire à nouveau. « Bonjour et bienvenue chez Jane, que puis-je vous servir ? » demande-t-il, récitant pour la énième fois ce même refrain à la cliente qui vient de lui faire face. Sans même la regarder, il se retourne vers la porte ouverte de la cuisine pour faire signe à sa tante : Il est en pénurie de cookies au chocolat blanc. « Salut... ». Il se retourne pour faire face à sa cliente dont la voix était familière, mais étrangement hésitante. Il regarde Mila un instant. Merde. Ca faisait quoi, deux ans ? Au moins, ouais. Oh le malaise. Il avait manqué l'enterrement de sa mère. Il devait lui dire quoi ? « Mes condoléances Mila, ça boume sinon ? » Hm. Non. Hors de question. Mais merci, c'est elle qui ouvre la bouche. Même si ce n'est pas la peine. Il sait ce qu'elle prend, elle mange toujours la même chose. Vanille et muffin. Ceux de Jane sont les meilleurs. OH PUTAIN. Tante Jane débarque derrière lui, et propose de prendre sa place à la caisse pendant qu'il prend sa pause. Le dilemme de la journée se présente à lui. Il regarde Mila, regarde Jane, regarde Mila. Elle est belle. Plus que Jane. Plus que tout le monde. « Je veux bien, Tante Jane, merci. Je finis juste de servir ma cliente avant. » Il lui sourit, elle lui fait un clin d’œil, et le bip bip insistant du four la rappelle à sa cuisine. « Et un muffin, je suppose ? » demande-t-il, un demi-sourire sur les lèvres. Il connaissait la réponse, et couvre donc le plateau des victuailles commandés par la demoiselle. « C'est la maison qui offre. »

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Lorsqu'elle se retrouve devant Lucas et qu'il sort la phrase magique du magasin, Mila pense qu'est là sa dernière chance de fuir. Si elle voulait le faire, elle pourrait. Mais elle ne le veut pas... Pas trop ! Elle avait juste oublié l'effet qu'il pouvait avoir sur elle, adolescente, et qu'il a toujours aujourd'hui d'ailleurs. A croire qu'elle n'a pas grandit. Ou bien que ses hormones en ont pris pour leur compte pour rien, finalement. Toujours est-il qu'elle est là, qu'elle ne s'enfuit pas, que Lucas est là aussi et que lui non plus ne s'enfuit pas, ~~de toute façon il n'a pas trop le droit~~ et qu'elle a été élevée pour être polie et saluer les gens lorsqu'elle les rencontre chaque jour.

C'est donc un « salut » un peu minable qui sort de sa bouche, suivit d'un premier contact visuel de reconnaissance. Elle fait en sorte de sourire, pour qu'il comprenne qu'elle est là en paix. ~~Même si techniquement, ils ne se sont pas quittés en guerre.~~ Mais c'est tout de même un silence gêné qui s'installe, et c'est pour éviter qu'il ne dure qu'elle prend son rôle de cliente en commençant sa commande. Bien qu'elle soit interrompue par l'arrivée de Jane, la tante de Lucas, qui la salue à son tour de façon joyeuse avant de proposer à son neveu de prendre sa pause.

C'est avec un peu trop d'espoir qu'elle ~~regarde~~ dévisage le jeune homme, espérant qu'il accepte la proposition de sa tante. Même dix minutes, ça lui irait, à Mila. Le temps de partager un muffin, de lui demander comment il va, de lui dire qu'elle est désolée de ne pas avoir pris de ses nouvelles ni donné des siennes, de l'obliger à lui donner son numéro de téléphone pour qu'un jour ils ressortent tous ensemble avec les autres copains, comme à la belle époque. Lucas hésite, mais finit par accepter la pause offerte par Jane et si Mila voulait être discrète, c'est loupé : son soupir de soulagement s'est entendu à des kilomètres d'ici.

« Je finis juste de servir ma cliente avant. » Son sourire à elle se fait plus présent tandis que Jane retourne dans la cuisine et que l'attention de Lucas est pour elle toute seule. « Et un muffin, je suppose ? » Des fois, elle a envie de se frapper d'être si prévisible. Mais en même temps, ça n'arrange pas son rythme cardiaque de savoir que Lucas connaisse toujours ses habitudes alimentaires. « Oui, s'il-te-plaît ! » Elle répond en haussant les épaules, se voulant être nonchalante. Comme si il était parfaitement naturel que Lucas sache encore son point faible alimentaire.

Le plateau se remplit de sa commande, et alors qu'elle s'apprêtait à sortir son porte monnaie pour régler ses achats, le garçon décide que c'est cadeau de la maison. ~~Oh si c'est comme ça, elle devrait être absente pendant deux ans plus souvent !~~ Mila sourit en attrapant le plateau à deux mains - elle n'est pas si habile que ça - tout en le remerciant. « Merci, c'est gentil ! » Elle se promet de penser à laisser un pourboire, cependant.

Puis ils se retrouvent assis l'un en face de l'autre, près du comptoir mais pas trop non plus pour éviter que Jane n'écoute leur conversation. C'est sans hésiter que Mila s'empare de son muffin pour le séparer en deux, et c'est grâce à des années d'entraînement qu'elle arrive à obtenir des bouts presque égaux. Triomphante, elle tend sa moitié à Lucas, et ça c'est cadeau d'elle à la maison ! ~~Oui, ça va devenir compliqué si on part sur ce chemin là. Disons qu'elle est généreuse.~~ « Sympa le tee-shirt ! » Qu'elle fait avec un petit rire, pour briser la glace. ~~Ahah.~~ Oui, elle est carrément venu pour discuter textile ! On ne voit pas où est le problème !

C'est avec une certaine timidité et en tripotant l'emballage de son demi muffin qu'elle se décide à sortir tout ce qu'elle doit lui dire. D'un coup, d'un seul. Comme ça, ce sera fait ! « En vrai, je suis désolée d'avoir été une adolescente un peu stupide et qu'on ne se soit pas parlé depuis longtemps. Mais maintenant je suis grande, enfin... Aussi grande que je puisse l'être, et comme je suis de retour pour un petit moment sans doute j'ai pensé que ça pourrait être sympa qu'on redevienne amis... Euh, si tu veux, bien sûr. » Parce que Lucas est encore plus grand que Mila, et juste pour ça il a le droit d'avoir son mot à dire dans l'histoire. « Et si tu veux pas, j'espère que tu vas bien. Et bonne année ! Et joyeux anniversaire en retard de quelques mois. Et ta coupe de cheveux te va plutôt bien ! » Même très bien, en fait. Mais ça, ça lui a échappé, à Mila. Aussi elle se tait, avant de ne dire d'autres âneries dans le même genre, et décide de commencer à manger son muffin. Pour le bien de tous !

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LUCILA

Elle sourit, et il a le cœur qui fond un petit peu, comme le chocolat au soleil. Il hoche la tête en guise de « de rien ma poule ! ». Il ferme la caisse d'un tour de clé et lance le petit trousseau par la porte de la cuisine, faisant signe à sa tante qu'il laissait le comptoir vide, et suivit la demoiselle jusqu'à une table. Il jette des coups d'oeil à sa tante, qui le regarde avec insistance. « Non, Tante Jane, je ne vais pas lui faire faire un tour sur elle-même avant de l'embrasser. On n'est pas dans Love Actually, en plus elle va tout renverser, ce serait gâcher. » Il sait que Jane va tout faire pour entendre ce qu'ils vont se dire. Mais déjà, Lucas ne sait pas faire la conversation ET être intelligent. Il faut qu'il choisisse. Et ensuite, ils n'étaient que deux concernés : Mila, et lui. PAS JANE. Il remercie Mila du regard, si c'est possible, pour s'être installée hors de portée des oreilles bioniques de sa tante, qui, il le sait, était sur le point d'envoyer un message aux parents du jeune homme pour leur dire qu'il était en rendez-vous. C'était parfaitement le genre de Jane. Faire une montagne d'une glace et d'un muffin.
Il prend place en face d'elle, comme toujours. Enfin, non, mais c'est naturel. C'est fou. Comment peut-elle avoir une telle dextérité à couper un muffin avec les doigts quand on sait qu'elle est assez maladroite pour marcher sur ses lacets même s'ils sont attachés ? Il la regarde faire avec admiration. Il la remercie pour cette moitié de gâteau (parce qu'en fait, lui aussi il aime les muffins, mais ses préférés il les partage avec elle.)
« Oh, te moque pas, c'est ma mère qui l'a choisi. » qu'il lui répond, riant à demi, un peu gêné, parce que c'est vrai qu'il est moche. Puis maintenant qu'il réalise qu'il porte un T-shirt à manches longues en plein été, il trouve vraiment qu'il fait chaud. Il transpire non ? Si, il doit avoir des auréoles sous les aisselles. Oh merde. Pas la classe les auréoles.
Il la regarde, elle a l’air de vouloir se cacher dans son demi-muffin. Il pourrait trouver un prétexte bidon pour se sauver. Ça leur épargnerait à tous les deux ce moment de silence gênant. Puis, Lucas déteste mettre les gens mal à l'aise. Sauf si c'est voulu. Du genre des gosses qui veulent piquer les barres de chocolat. Eux, leur faire peur, pas de soucis. Mais il a un sacré avantage sur les mioches : Il fait deux fois leur taille.
« désolée nianiania, stupide nianiania, grande nianiania, retour pour un petit moment nianiania, amis nianiania, coupe de cheveux nianiania. »
Attendez. QUOI ? ELLE EST LÀ POUR UN MOMENT ? Lucas, intérieurement, danse la samba tout nu sur le comptoir de la boutique. Elle est de retouuuuuuur ! Après deux aaaaaans ! Enfiiiiiin ! Il devait sourire bêtement. Enfin, il pense. Lucas a souvent un sourire niais, mais là ça devait être un record. « Tu as fini ton petit speech, je peux répondre ? » qu'il demande, un sourire moqueur aux lèvres. « Déjà, désolé d'avoir été un adolescent stupide et qu'on ne se soit pas parlé depuis longtemps. Ensuite, avant toutes choses, tu dois me raconter ce que j'ai raté de ces deux dernières années. Puis oui, aussi bien que possible ! Le soleil brille, les oiseaux chantent, et devine quoi ? Une amie est enfin de retour dans le coin. Bonne année à toi aussi. Et en fait, ne te vexe pas, mais... Je ne me suis pas coupé les cheveux depuis plus d'un an. Alors merci, et toi aussi ta coupe te va bien, mais... Voilà quoi. »

Il se sent con. Il se sent toujours con avec Mila en fait. Il dit des conneries, il est maladroit, il est incohérent et... Il se tourne un instant vers sa tante, qui les fixe toujours, et il lui lance un regard noir. Jane fait mine de feuilleter le livre que Lucas avait laisser contre la caisse, mais il sait qu'elle essaiera à nouveau de lire sur leurs lèvres dès qu'il ne la surveillera plus. Il jette un œil à son muffin, auquel il arrache un petit morceau pour le porter à sa bouche. Il a soif tout à coup. Ses yeux remontent vers Mila, à qui il sourit.

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Ils se retrouvent enfin seuls, après quelques années à ne pas s'être vu, et la première chose que Mila trouve à dire c'est un commentaire sur son tee-shirt. La logique voudrait qu'elle prenne de ses nouvelles, de lui et de sa famille, qu'elle dise que ça lui fait plaisir de le voir, qu'il n'a pas changé ou une banalité du genre... Mais non. Lucas porte un tee-shirt aux couleurs de Tacostown et elle trouve ça génial. Alors elle le dit. Et maintenant, il pense qu'elle se moque de lui. Alors que pas du tout. Elle rit quand même, parce que Lucas a 22 ans et sa mère lui choisit encore ses vêtements, mais elle hausse les épaules. Promis, elle ne se moque pas. Et parce que sa visite avait un but, elle commence à parler tout en torturant l'emballage de son muffin. Pour le plaisir de la torture.

Pour commencer, elle a conscience d'avoir été une adolescente nulle. Mais c'est l'adolescence, quand on est adolescent on est tous un peu nul quand même... Oui ? En tout cas, maintenant qu'elle est grande et qu'elle n'écoute plus les autres personnes, elle aimerait bien redevenir son amie. Bon, en vrai, Mila elle aimerait bien l'épouser Lucas. Mais ça, il risque de ne pas être consentant et elle risque de finir en prison. Alors amis, ce serait pas mal ! Et cette fois, ils ont le temps puisqu'elle est à Tacostown pour... Au moins quelques mois ! Miminum jusqu'à la prochaine rentrée scolaire. ~~Maximum toute la vie.~~ Alors voilà, c'est le moment de se se réconcilier autour d'un muffin et de la glace à la vanille. « Euh, si tu veux, bien sûr. » Elle rajoute, pas certaine. Mais il sourit de façon bizarre, sur le coup. Alors ça la fait sourire. Mais ça ne la rend pas confiante non plus. Et elle passe aux politesses : bonne année, joyeux anniversaire, et... « Et ta coupe de cheveux te va plutôt bien ! » ~~Oui, ceci est une politesse comme une autre.~~

« Tu as fini ton petit speech, je peux répondre ? » Elle hausse les sourcils et se pince les lèvres. « Non. » Qu'elle répond, pour la beauté de l'insolence. « Mais vas-y ! » Elle fait avec un sourire. En fait, elle avait finit. C'était juste pour se faire remarquer qu'elle a répondu, ~~la cruche~~. Du coup, lui aussi il est désolé d'avoir été un adolescent stupide ! Foutue adolescence ! On devrait passer directement de l'âge de quatorze ans à l'âge adulte, c'est elle qui vous le dit ! « Ensuite, avant toutes choses, tu dois me raconter ce que j'ai raté de ces deux dernières années. » Ahah. De un, ça lui met la pression à Mila. Sauf que de deux, finalement il n'a rien loupé. Rien d'extraordinaire ne lui est arrivé. ~~Au moins, ça sera rapide.~~ Mais comme Lucas est lancé, elle n'a pas le temps de l'arrêter qu'il enchaîne : « Puis oui, aussi bien que possible ! Le soleil brille, les oiseaux chantent, et devine quoi ? Une amie est enfin de retour dans le coin. » ~~C'est sans doute à partir de ce moment là qu'elle a commencé à sourire comme une idiote sans raison.~~

Lucas aussi, il est poli. Alors la bonne année à elle aussi. Par contre, pour les cheveux ça ne marche pas. « Je ne me suis pas coupé les cheveux depuis plus d'un an. » Ah. D'accord ! Eh bien... Eh bien elle a gaffé, et il l'a remarqué. Mais comme c'est une fille cool, Mila, elle essaie d'ignorer ses joues brûlantes et de sauver les meubles. « Oh... Alors ta non-coupe ! » Oui, à ce point là ce ne sont pas les meubles qu'elle tente de sauver. C'est la maison... Non, la ville entière ! « Alors merci, et toi aussi ta coupe te va bien, mais... Voilà quoi. » Voilà quoi. Elle lui a ouvertement bavé dessus, et il l'a compris. Ce ne serait pas si précieux, elle lui jetterait un bout de muffin pour le distraire le temps qu'elle s'échappe en courant. Mais ils viennent juste de redevenir amis, et elle est grande maintenant, c'est les muffins c'est précieux. Alors elle en mange un morceau, pendant que Lucas surveille Jane qui les surveille pas très discrètement. Mais les yeux de Mila sont collés sur le jeune homme. ~~Peut-être que si elle ne le regarde pas pendant quelques secondes, il va s'évaporer en formant des bulles de savons !~~

Elle répond à son sourire par un identique. « Hum... Au risque de te paraître profondément ennuyeuse, il ne m'est rien arrivé de spectaculaire en deux ans. J'ai déménagé, rencontré de nouvelles personnes, été en cours... Je me suis battue avec des araignées. Oh, et une fois j'ai failli rencontrer Hugh Jackman. Mais j'étais fatiguée, alors je ne suis pas sortie et je n'ai que la photo de ma... euh, de mon ancienne colocataire et lui pour pleurer. » Elle complète son anecdote avec un rire, pour la bonne mesure. Lorsque Wendy est rentrée et l'a réveillé pour lui raconter son aventure, elle s'en fichait parce qu'elle était mal réveillé. Le lendemain, en revanche, elle était verte de jalousie. Mais maintenant, elle s'en fiche de nouveau. De toute façon, il est bien trop vieux pour elle et il aime les femmes plus âgées ! A quoi bon lutter ? Lucas, lui au moins, n'aime pas les femmes plus âgées. Enfin... Pas quelle sache ? En même temps, elle n'allait pas lui demander directement, eh. Elle lui a déjà dit qu'il était beau des cheveux. Enough is enough. Il faut faire place à la subtilité, un peu. « Au final, Brisbane c'est un peu comme ici ! C'est juste plus grand. Avec une université. Et plus de gens. Mais là-bas le soleil brille aussi, et les oiseaux chantent et tu as une petite-amie ? Chloe me donne plus de vos nouvelles depuis qu'elle travaille au zoo, je m'intéresse ! » Ahem. La subtilité.

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Mila se minimise tout le temps. Elle est prise pour aller à l'université dans une ville loin de TT, où tout ne se répète pas, comme ici, et où tout doit être mieux, où les rues grouilles de monde, et où Lucas rêverait d'aller, mais il ne lui est rien arrivé de spectaculaire. Déménager est spectaculaire en soit. Pas comme Lucas, qui s'est pris un appartement minuscule à trois pâtés de maisons de son boulot, et cinq de chez ses parents, mais déménager dans une vraie ville avec des sirènes de pompiers et des gens qu'on ne connaît pas. Et en plus elle avait une colocataire. Lucas ne pourrait pas vivre avec quelqu'un comme ça, il est beaucoup trop bordélique. Il n'y a que ses parents et Mila qui pourraient le supporter. Et encore, s'il avait déménagé, hors le fait qu'il veuille son indépendance et ne pas rendre de comptes sur ses allées et venues à la maison, c'est à cause du conflit entre sa mère et ses chaussettes sales. La chambre de Lucas, du temps où il vivait chez ses parents était zone sinistrée depuis l'adolescence du jeune homme. Il ne la tenait en état que lorsque Mila venait, donc deux mois par an.
Mila s'est battue avec des araignées ? Mais, elle en a une peur bleue ! Lucas a du mal à y croire. Elle venait toujours le chercher pour qu'il les extermine, et détestait qu'il les sorte seulement de sa chambre. Il avait du mal à l'imaginer se débarrasser d'un insecte seule, en fait. Puis, c'était son truc à lui, de la sauver des vilaines bestioles. Mais c'est idiot de penser ça. Ils n'ont pas parlé pendant deux ans. Mila est grande et forte, enfin, presque grande, et Lucas n'était plus une nécessité à sa vie. Sinon ils auraient gardé contact, pendant ces deux dernières années, au lieu de, comme des cons, s'ignorer. Des clients passent la porte, et la chaleur s’immisce dans la boutique, Lucas transpire encore plus, c'est sûr qu'elle le voit, elle va penser qu'il est nerveux, alors qu'il n'est pas nerveux, il était à la bourre ce matin, il a sa meilleure amie d'enfance encore plus belle qu'il ne pouvait l'imaginer à une longueur d'avant-bras de lui et sa tante qui le surveille et qui lui fera la morale dès que Mila sera partie, parce que soit il ne l'aura pas embrassée, soit il ne lui aura rien proposé à boire, soit il lui aura offert son muffin et sa glace. Bref, Lucas n'était pas nerveux, juste un peu tendu. Et il suait juste. D'ailleurs, il aurait pu penser qu'il suait comme un porc, mais les porcs ne suent pas, il avait vu ça sur un documentaire une fois. C'est pour réguler leur température qu'ils se roulent dans la boue, parce qu'ils ne peuvent pas le faire par la transpiration. Alors Lucas, là tout de suite, ça lui irait parfaitement de suer comme un porc, bien que s'il se roulait dans la boue, il ne serait pas vraiment à son avantage. Il reprend un petit morceau de muffin, et manque de s'étouffer. « tu as une petite-amie ? Chloe me donne plus de vos nouvelles depuis qu'elle travaille au zoo, je m'intéresse ! » Minute libellule. Chloe est cool, oui, et Lucas a eu un petit béguin pour elle, oui. Mais Mila sous-entend qu'ils sont ou ont été ensemble là, non ? « Chloe me donne plus de VOS nouvelles » donc Chloe l'a fait. Genre, comme un couple, c'est ça ? Oh non. Mais, ça lui était passé son béguin, et Mila était là, et Mila c'était Mila, et Lucas était perdu, du coup. Mais. Mais. Mais Mila s'intéresse à l'histoire hypothétique entre Chloe et Lucas, ou au fait qu'il ait une petite amie ? C'était à se taper la tête contre un mur cette histoire. Lucas réfléchissait sans doute un peu trop. « Je... heu, non, j'ai pas de petite amie, je... et toi ? » MAIS, IL DECONNE LÀ ? Lucas venait-il vraiment de demander à Mila si elle avait une petite amie ? En bafouillant ? C'était n'importe quoi ce type. Il s'empourpre, évidemment, et passe une main dans ses cheveux jamais coiffés, pour se donner contenance. Aller, avec un peu de chance elle remarquera rien, pas vrai ?
« Et sinon, tu vas t'occuper comment, si tu es dans le coin pour un moment ? Tu cherches un boulot ? Tu es chez ton père du coup ? Tu reprends quand tes études ? Tu veux boire quelque chose ? » Voilà, la technique pour lui détourner l'attention de sa question foireuse, la bombarder d'autres questions futiles. Non pas que les réponses qu'elle pourrait y apporter n'aient d'importance pour lui, au contraire même, mais c'étaient des questions simples. Il reprend une bouchée de muffin pour se faire taire lui-même, exaspéré par son propre comportement.

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La prochaine fois qu'elle devra faire des retrouvailles, si on peut appeler ça comme ça, Mila enverra un mail. Et un colis avec des muffins, parce que c'est quand même pas mauvais. ~~Sinon, Facebook a été inventé mais c'est pas grave.~~ Parce qu'avec un mail, on peut se relire à de nombreuses reprises pour faire partir les fautes et éviter les maladresses. Là, de suite, face à Lucas, elle ne peut pas les éviter. Ni sortir son balai et les menacer, comme elle peut essayer avec les araignées... Non. Le problème avec Lucas, c'est qu'elle en a toujours été un peu amoureuse, au final. Enfin toujours, non peut-être pas. Mais ça fait quand même un petit bout de temps. Et si adolescente elle a pensé que ses sentiments s'estomperaient en grandissant, que ce béguin disparaître en ignorant le garçon elle s'est trompée. Et elle s'est trompée aussi, lorsqu'elle avait eu foi dans le dicton loin des yeux, loin du coeur. Parce qu'elle a oublié que en grandissant, les gens deviennent beaux. Alors tout d'un coup, ça rend la chose bien plus difficile. Et puis, après le moment bizarre des excuses où on décide de reprendre là où on s'était arrêté, Mila essaie d'être de nouveau naturelle.

Et c'est tout naturellement qu'elle raconte ses deux ans à Brisbane, sa presque rencontre avec Hugh Jackman et qu'elle lui demande s'il est célibataire. Non pas qu'elle soit intéressée de connaître sa vie amoureuse, enfin pas dans ce sens là ~~sisi dans ce sens là~~ mais c'est juste qu'elle s'intéresse quoi ! Comme une amie. De savoir s'il est heureux. Voilà voilà. Et c'est pour se justifier qu'elle parle de Chloe, puisque l'anglaise reste sa meilleure amie et la personne avec qui elle a le plus gardé contact. Après, elle commence à manger sa glace pour montrer à quel point elle est décontractée. Mais peut-être qu'elle aurait pas dû. Il a l'air vraiment très perturbé. Du coup, elle est un peu gênée, premièrement parce que c'était indiscret et secondement parce que, diantre, elle a le don de s'embarrasser devant Lucas c'est pas possible ! « Je... heu, non, j'ai pas de petite amie, je... et toi ? » Elle fronce les sourcils. Il a l'air tellement perdu qu'elle a envie de lui offrir sa glace pour le consoler. ~~Mais eh, c'est sa glace.~~ Et elle ? « Euuh non ! Pas que je sache ! » Elle fait avec un léger sourire. Lucas est tout rouge. Il va peut-être faire un infarctus... Elle aurait vraiment pas dû.

Du coup, il change de sujet et l'assomme de question. Alors elle abandonne sa glace pour y répondre, parce qu'elle est polie tasvu. « Oh, j'ai trouvé un emploi à la mairie. J'y suis depuis une semaine et ça va, pour l'instant ça se passe plutôt bien... J'espère pouvoir reprendre les cours à la prochaine rentrée scolaire, mais pour l'instant je préfère rester avec mon père. Et donc, oui, j'habite chez lui. » Et c'est un peu triste qu'il ne soit plus là, mais c'est pas grave. « Et je n'ai pas soif, mais ne te gène pas ! » Elle rajoute avec un sourire. Elle a fait le tour, c'est bon ? « Au final, pas grand chose n'a changé... On a juste grandit, et maintenant on sait qu'on ne changera pas le monde ! » Quoi que. Peut-être qu'ils peuvent essayer de résoudre les conflits mondiaux avec de la glace à la vanille.

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